Icône de 2 mains désirant se toucher

Soeur

Par Saphia Arhzaf

Je caresse d’un doigt léger ma peau.
L’olivier et l’érable sont la sève de ma couleur.
Mon sang circule lentement, comme l’arbre au sortir de l’hiver.

J’ai une pensée pour mes désirs, bourgeonnant au creux de ma paume.
Le plaisir de soi a longtemps été pour moi comme les vagues s’échouant contre une paroie rocheuse. Le besoin de prendre l’eau de mes mains est vital, mais l’expérience semble dangereuse et la vague instable – les gouttes d’eau sur mes doigts sont alors riches, mais éphémères.

La masturbation a un peu cet effet.
Le grand tabou de la masturbation féminine – de la sexualité positive en général – se torture entre le besoin, l’incapacité de se faire réellement plaisir et une sorte de remord.
Le plaisir féminin est méconnu, souvent maintenu caché et souvent répréhensible. Parce qu’un grand regard peut toujours nous observer et connaître nos péchés.
Mais le clitoris, n’est-il pas une création divine également ?
Et toutes ces sensations, sont-elles réellement immorales ?

 

 

 

J’ai vécu l’héritage maghrébin du haram, lorsqu’il s’agit de sexualité. La peur d’être jugée indécente m’a retenue très longtemps des plaisirs solitaires de la chaire.
Puis j’ai lu Malek Chebel. J’ai lu, écouté, regardé cet homme parler d’islam, de sociétés dites arabes et de sensualité.
J’ai découvert que l’érotisme coule dans l’olivier, que le plaisir féminin n’est pas proscrit, que l’orgasme était connu et encouragé.
J’ai découvert un horizon où la honte, le tabou, les remontrances et la peur n’avait pas lieu d’être. Puis j’ai fouillé plus loin, aphrodisiaque, condom, harem (avec toutes les critiques nécessaires), volupté et proximité sont parties intégrantes de notre histoire.
Scheherazade par exemple est une figure phare du mysticisme, de l’intime, du secret, du pouvoir, du féminin.

 

 

 

La puissance du féminin.

Dans l’absence d’éducation, une grande partie de mes premières sexualités ont été teintées de l’apport de l’autre. Puisque le moi, mon moi intime et sensuel était évincé.
Par gêne, par peur, par honte.

Pourtant.

La masturbation est un acte positif.
Mon corps est un lieu de sensations.
Si je permets aux autres d’y avoir accès, je dois intimement m’y donner accès.
Cette réalisation a changé ma perception de la sexualité.
La sexualité est plus dangereuse lorsque tabou.
La santé sexuelle, le consentement, le plaisir, les désirs sont les aspects d’un apprentissage qui se fait seule pour une femme issue de la diaspora africaine.
Je souhaite à notre génération de changer.
Briser les silences, avec nos soeurs, nos amies, nos enfants.
Parce que le sucre naturel de la peau semble plus prononcé chez l’érable.
Mais l’olivier produit des fleurs magnifiques dont le miel n’en est que plus goutu.

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  • Saphia Arhzaf

    Saphia Arhzaf

    Auteure

    Saphia, Québécoise et Marocaine d'origine, a grandi à Montréal et s'est toujours questionnée sur les questions identitaires. Passionnée d'enjeux sociaux et de justice sociale, son métissage a été une fenêtre ouverte sur une mosaïque de cultures. Naviguant entre Montréal, Marseille, Meknès et Dakar, la rencontre de religions, de valeurs, d'aspirations et de rêves ont forgé une ouverture sur soi et sur les autres qui redynamise ses aspirations à l'empowerment des diasporas africaines. Ainsi, SAYASPORA représente enfin une plateforme où les récits complexes se lisent, se disent et où la sororité (les voix des femmes!) crée des ponts d'une force incroyable.

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