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Société

Par Carla-Anide Guillaume

Parler de santé mentale dans la communauté africaine, c’est d’abord et avant tout accepter le fait que notre histoire a été marquée depuis plusieurs siècles par une série d’épisodes de violence ayant changé à jamais les trajectoires individuelles, familiales et sociales de millions d’entre nous.

De l’esclavage aux catastrophes naturelles, en passant par la guerre et les troubles politiques, le continent africain et la diaspora vivent tous les jours avec le spectre d’un traumatisme collectif intergénérationnel. L’expression de notre vécu affectif et relationnel est teinté d’une profonde souffrance que l’on confond trop souvent avec la notion d’expression culturelle. En conséquent, pour parler d’une guérison africaine il faudra apprendre à comprendre et à déconstruire notre traumatisme historique.

Le syndrome de stress post-traumatique et le contexte africain

«Un trouble de stress post-traumatique (TSPT) est un trouble réactionnel qui peut apparaître à la suite d’un événement traumatique. Un événement est dit « traumatique » lorsqu’une personne est confrontée à la mort, à la peur de mourir ou lorsque son intégrité physique ou celle d’une autre personne a pu être menacée. Cet événement doit également provoquer une peur intense, un sentiment d’impuissance ou un sentiment d’horreur. »[1]

Selon l’association canadienne pour la santé mentale, le syndrome de stress post-traumatique est une maladie mentale qui entraine des symptômes envahissant, provoquant entre autre un détachement psychologique et émotionnel. Les gens qui en souffrent sont constamment sur le qui-vive, irritable et ressentent une torpeur profonde.

Dans notre contexte, on comprend bien que les crises géopolitiques, les conflits armés, la violence entre groupes ethniques et depuis plus récemment, la vague de terrorisme mondialisé constituent une chaine d’expériences traumatiques pour les victimes directes. Toutefois, ce qu’on oublie c’est que ce traumatisme peut devenir très rapidement un héritage toxique qui découle d’un deuil non résolu, exprimé par la dépression et le désespoir et par une colère inexpliquée, par l’agressivité et parfois la rage. Souvent, le traumatisme et l’oppression sont intériorisés en acceptant le mensonge de l’infériorité, ce qui peut ensuite conduire à la haine de soi. En effet, si l’on regarde la communauté africaine et la diaspora, le syndrome de stress post-traumatique ouvre une fenêtre très critique sur plusieurs enjeux sociaux et comportements qui nous affectent au quotidien.

Sans vouloir tomber dans le piège du déterminisme, force est de constater que notre communauté lutte de génération en génération pour protéger son humanité, son noyau familial et son identité. Les traumatismes s’accumulent les uns après les autres: esclavage, pauvreté, intégration, brutalité, discrimination…D’une époque à une autre, l’histoire semble vouloir nous coincer dans un mode de survie perpétuel, ne nous donnant rarement l’espace et le temps nécessaire pour nous remettre collectivement de nos blessures.

 

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Guérir ensemble

Aujourd’hui, la santé mentale est de moins en moins tabou dans la communauté africaine et nous devons profiter de cette petite ouverture pour redéfinir l’enjeu et adopter une approche plus collective à notre processus guérison. Pour commencer, la question intergénérationnelle de la santé mentale devra être abordée à travers les conflits de valeurs et les divergences relationnelles entre parents et enfants, entre autre. Nous devrons aussi faire de la mémoire collective un outil de thérapie et un véhicule de compassion à la grandeur de la diaspora. Il s’agira surtout d’apprendre à concevoir la santé mentale dans un contexte historique pour mieux accepter le fait que celle-ci dépasse la simple expérience subjective de chacun d’entre nous.

[1] http://www.douglas.qc.ca/info/trouble-stress-post-traumatique

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    Carla-Anide Guillaume

    Auteure

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