Icône d'une main avec un soleil

Art + culture

Par YEDIDYA EBOSIRI

“I am not Black, I am Colored”, a déclaré la sensation sud-africaine Tyla. À elle seule, cette déclaration a déclenché une énième diaspora war où les opinions, les critiques et les débats fusaient à profusion sur les réseaux sociaux. Pour les uns, les propos de la chanson sont abominables et méritent la punition ultime du cancel culture ; pour les autres, l’artiste sud-africaine n’a rien dit de bien choquant. Qui a raison? Là n’est peut-être pas la question…

Tyla, étoile africaine

À seulement 22 ans, Tyla connaît un succès dépassant les frontières de l’Afrique du Sud qui l’a vu grandir. À la suite d’un premier morceau à succès national, son morceau Water, savant mélange d’amapiano et d’afrobeat agrémenté d’une touche suave de R&B, accapare les radios du monde entier et braque les projecteurs sur la chanteuse désormais couronnée pour ses prouesses musicales.

C’est lors d’une diffusion en direct sur TikTok que l’artiste s’est exprimée sur son identité ethnique.

Son charme et son talent indiscutable lui valent la une des magazines les plus huppés. Elle cumule des millions de vues et d’écoutes sur les diverses plateformes musicales les plus populaires et partage la scène avec des artistes en vogue, dont Ayra Starr. Récemment, elle reçoit le prestigieux prix de la meilleure performance musicale africaine de la 66e cérémonie des Grammys et est nommée « Meilleure nouvelle artiste » aux BET Awards annuels.

Fière de ses racines sud-africaines, Tyla place toujours l’Afrique au cœur de ses discours, rendant hommage aux artistes du continent qui l’ont précédée. Sa mission : porter haut et fort les couleurs de sa terre natale sur la scène pop internationale. De toute évidence, cet objectif est loin d’être impossible.

Au milieu du champ de bataille, on observe un débat bipolaire opposant deux réalités divergentes.

Élément déclencheur

C’est lors d’une diffusion en direct sur TikTok que l’artiste s’est exprimée sur son identité ethnique. En se décrivant comme Coloured, ses propos ont été instantanément relayés et ont enflammé le web, particulièrement la toile américaine, provoquant une controverse salée. Tandis qu’une partie de globe se montre choquée par ce terme et menace de boycotter la chanteuse, le reste du monde dénonce l’ethnocentrisme occidental. Au milieu du champ de bataille, on observe un débat bipolaire opposant deux réalités divergentes.

Paradigmes aux antipodes

Le cas de l’Afrique du Sud

En Afrique du Sud, le terme Colored revêt une signification profondément enracinée dans l’histoire coloniale du pays. Formant l’une des quatre classifications raciales établies par le violent régime de l’apartheid — aux côtés des Blancs, des Noirs et des Indiens —, les Coloured constituent un groupe social à part entière caractérisé par une impressionnante diversité ethnique. Initialement le fruit d’une union non consentie entre les premiers colons blancs et les autochtones khoïsan, ce groupe ethnique comprend également des ancêtres de Malaisie et d’Inde.

[…] peut-on vraiment se prononcer sur le débat?

La majorité des membres de cette communauté provient de Capetown, tandis qu’à Johannesburg, une ville entière témoigne éloquemment de leur empreinte culturelle et démographique. Les personnes Coloured affichent une gamme étendue de caractéristiques physiques, depuis des cheveux de type 4c jusqu’à des cheveux soyeux, et des carnations variant du clair au foncé. Au-delà de la singularité de leur histoire, la richesse de cette mosaïque renforce la distinction de groupe ethnoculturelle au sein du spectre racial en Afrique du Sud. Compte tenu de leur unicité, les Colored ne s’identifient pas à l’appellation « Black » : ils sont Colored, tout simplement.

Le cas des États-Unis

Pour les Américains, le sens du terme « Colored » est diamétralement opposé. Marqué par l’ère Jim Crow, période où la ségrégation raciale était institutionnalisée, le mot coloured désigne historiquement les Afro-Américains qui étaient les sujets de violente discrimination systémiques. Durant la ségrégation, les lieux réservés aux Colored font partie des multiples démonstrations du racisme décomplexé de l’époque. Aujourd’hui, ce terme a été supplanté par des désignations « Black » ou « African American », compte tenu de la lourde histoire portée par le terme Colored qui est désormais péjoratif aux États-Unis.

 

Après tout, la vérité des uns n’est pas toujours la vérité des autres.

Opinion sayasporienne

À la lumière de ces informations, peut-on vraiment se prononcer sur le débat? Quelque part, accorder la victoire à un camp au détriment de l’autre serait dire qu’une réalité est supérieure à l’autre. Ça serait engendrer une autre question, ça serait allumer la flamme d’une nouvelle controverse… Peut-être qu’au fond, il n’y a pas de bonne réponse. Après tout, la vérité des uns n’est pas toujours la vérité des autres.

   

Et vous, qu’en pensez-vous?

 

 

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  • Yedidya Ebosiri

    Rédactrice en Chef

    Éternelle étudiante, Yedidya entame actuellement un diplôme de deuxième cycle universitaire en santé publique après avoir complété un baccalauréat en kinésiologie.

    Le socle de ses intérêts professionnels repose sur la lutte contre les inégalités sociales de santé; elle rêve d’un monde plus sain, plus juste, plus vert. En attendant, elle puise dans ses racines congolaises pour militer en faveur d’une Afrique libre et féministe.

    Tutrice pour une clientèle analphabète et intervenante de longue date en santé mentale, sa curiosité intellectuelle et son entregent caractérisent son parcours professionnel naissant. Autrefois éditrice pour un journal universitaire, elle ne cesse de nourrir sa passion pour le journalisme et se réjouit de mettre ses compétences rédactionnelles au service de sa communauté. Pour elle, Sayaspora incarne l’excellence noire et l’innovation sociale, d’où sa fière contribution au rayonnement du magazine.

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