Icône d'un soleil complexe

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Par Yedidya Ebosiri

Inutile d’énumérer mille et un stéréotypes en guise d’introduction. Vous les connaissez ; nous les connaissons. Ils sont partout, tout le temps, nombreux. Ils concernent les personnes âgées, les individus en surpoids, les minorités visibles et invisibles, les gens en situation d’handicaps, les femmes. Ce sont ces phrases toutes faites que l’on balance dans les conversations de couloirs, dans les lieux de travail et au sein des grandes institutions – ces propos qui ne sont sur nul autre que des idées préconçues à propos de ceux qui ne nous ressemblent pas. À propos des autres.

Esprit confus, idées préconçues

Fruit de nos expériences, les stéréotypes sont purement humains. Ils résultent d’un besoin cognitif de catégoriser le monde pour en digérer la complexité. En effet, le cerveau simplifie et classe l’information qu’il traite pour mieux la saisir. C’est un processus qui s’applique aux objets, aux concepts, mais aussi aux individus. Sur la base de nos observations, nous créons donc des catégories d’individus ayant une caractéristique commune comme l’âge, le genre, la religion ou encore la classe sociale. Ce dénominateur commun porte désormais une étiquette, une croyance que l’on nourrit.

[…] les différences individuelles deviennent si floues qu’il n’existe plus qu’un tout homogène. A, B et C deviennent A, A et encore A.

C’est ça, le stéréotype. Tantôt négatif, tantôt positif.

C’est une simplification, voire une sur simplification, de la réalité pour anticiper les comportements de l’autre. On nourrit un stéréotype lorsqu’au sein d’un groupe, les différences individuelles deviennent si floues qu’il n’existe plus qu’un tout homogène. A, B et C deviennent A, A et encore A, avec une deux ou deux exceptions à la règle. Et c’est d’autant plus vrai lorsque le groupe en question est particulièrement loin de nous. En fait, plus la distance est grande, moins les détails sont apparents. Un peu comme une personne myope qui éloigne ses verres de ses pupilles.

 

Rien d’arbitraire

Sur les médias sociaux comme dans les médias traditionnels, des images stéréotypées et des propos alimentent les idées préconçues envers certaines personnes. Le phénomène est d’ailleurs exacerbé dans l’ère digitale où les algorithmes s’adaptent et nourrissent les fausses narratives et les biais. Une étude américaine analysant plus de 14 000 publications d’agence policières sur Facebook a démontré que les arrestations de suspects noirs étaient surreprésentées de 25 % par rapport aux taux réel, notamment dans les communautés à tendance républicaine. Cette distorsion de la réalité peut induire ou renforcer les préjugés des individus qui consomment ce contenu.

Nous sommes tous, d’une manière ou d’une autre, autant les objets que les instigateurs de stéréotypes.

Ce n’est pas tout. Les extrapolations à propos des rôles sociaux contribuent aussi au développement de stéréotypes. Dans les sociétés patriarcales, les femmes sont généralement chargées de l’éducation des enfants et du travail domestique ; dans les sociétés occidentales, ceux qui lâchent l’école et les nouveaux arrivants sont surreprésentés dans les postes les moins rémunérés. Lorsque le cerveau enregistre de tels constats, sa tendance à la catégorisation engendre des stéréotypes à l’encontre de ces personnes. Ainsi, nous serons persuadés que les femmes sont prédestinées à s’occuper du foyer et que les personnes âgées ne savent pas conduire.

 

 

Lourdes conséquences

Nous sommes tous, d’une manière ou d’une autre, autant les objets que les instigateurs de stéréotypes. Après tout, plusieurs sont ancrés dans l’imaginaire collectif.

En sachant que les stéréotypes ne sont que des idées provenant d’un processus cognitif inévitable, le véritable problème se trouve dans ce qu’il engendre : le préjugé, croyance qui est mère de la discrimination.

Et ça, ça pèse lourd sur le moral.

L’isolement et la solitude sont aussi des maux qui accompagnent le stéréotype qui se transforme en acte discriminatoire.

Par exemple, le profilage racial est une conséquence directe de stéréotypes négatifs à l’encontre des minorités visibles. Au Canada, les personnes noires et autochtones ne constituent que 10% de la population canadienne, mais totalisent à elles seules 27,2% des décès par arme à feu impliquant le corps policier. Nul besoin de décrire les impacts traumatiques, du profilage racial, dont l’anxiété et la dépression, sur ces communautés.

 

Mentionnons que les groupes les vulnérables aux stéréotypes, notamment les minorités sexuelles et les personnes ayant des troubles mentaux, sont susceptibles d’internaliser les stéréotypes et de développer des émotions négatives qui augmente le risque de faible estime personnelle. En milieu scolaire comme en milieu hospitalier, l’impression d’être l’objet d’un stéréotype diminue la performance ou encore la confiance en les professionnels de la santé qui les perpétue. L’isolement et la solitude sont aussi des maux qui accompagnent le stéréotype qui se transforme en acte discriminatoire.

Après tout, les stéréotypes sont des boîtes. Évitons d’y emprisonner les autres.

 Attaquer le vrai problème

En toute objectivité, il est impossible d’éradiquer les stéréotypes : ils font partie de la nature humaine. Toutefois, il faut retenir que ce sont avant tout des idées qui ne sont ni éternelles ni rigides. Pour en diminuer les effets, il faut les mettre au pied du mur.

  • Reconnaître ses biais : connais-toi toi-même, comme le dit le dicton. La lutte aux préjugés commence lorsque l’on se regarde dans le miroir.
  • S’éduquer : s’armer de connaissances est un indispensable pour déconstruire la notion de stéréotypes et ses dérivées.
  • Dénoncer : demeurer en silence face aux discriminations, c’est y participer. Nos voix sont porteuses : utilisons-les à bon escient.
  • Utiliser des stratégies spécifiques : il existe plusieurs astuces pour contrer les stéréotypes. Le fait de se mettre à la place d’une personne provenant d’un groupe différent, la prise de contact et le fait de remplacer certains stéréotypes par des alternatives font partie des stratégies avérées.

Après tout, les stéréotypes sont des boîtes.

Évitons d’y emprisonner les autres.

 

 

 

Sources : 

  • Aronson, J., Burgess, D., Phelan, S. M., & Juarez, L. (2013). Unhealthy interactions: the role of stereotype threat in health disparities. American journal of public health, 103(1), 50–56. https://doi.org/10.2105/AJPH.2012.300828
  • Devine, P. G., Forscher, P. S., Austin, A. J., & Cox, W. T. (2012). Long-term reduction in implicit race bias: A prejudice habit-breaking intervention. Journal of Experimental Social Psychology, 48(6), 1267-1278. doi:10.1016/j.jesp.2012.06.00
  • Stelkia, K. (2020). Police Brutality in Canada: A Symptom of Structural Racism and Colonial Violence. 72.
  • Zhang, B., Hu, Y., Zhao, F., Wen, F., Dang, J., & Zawisza, M. (2023). Editorial: The psychological process of stereotyping: Content, forming, internalizing, mechanisms, effects, and interventions. Frontiers in psychology13, 1117901. https://doi.org/10.3389/fpsyg.2022.1117901

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  • Yedidya Ebosiri

    Rédactrice en Chef

    Éternelle étudiante, Yedidya entame actuellement un diplôme de deuxième cycle universitaire en santé publique après avoir complété un baccalauréat en kinésiologie.

    Le socle de ses intérêts professionnels repose sur la lutte contre les inégalités sociales de santé; elle rêve d’un monde plus sain, plus juste, plus vert. En attendant, elle puise dans ses racines congolaises pour militer en faveur d’une Afrique libre et féministe.

    Tutrice pour une clientèle analphabète et intervenante de longue date en santé mentale, sa curiosité intellectuelle et son entregent caractérisent son parcours professionnel naissant. Autrefois éditrice pour un journal universitaire, elle ne cesse de nourrir sa passion pour le journalisme et se réjouit de mettre ses compétences rédactionnelles au service de sa communauté. Pour elle, Sayaspora incarne l’excellence noire et l’innovation sociale, d’où sa fière contribution au rayonnement du magazine.

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