17 novembre 2021
Par Mayi K’ Mberi
Disclaimer : Ce texte est fondé sur les opinions de la rédactrice et ne doit pas être interprété comme des faits incontestables.
Nos mères ont enduré beaucoup de choses telles que les frustrations, la violence physique, verbale, ou souvent les deux, le manque de respect, l’humiliation par leurs maris, etc. Elles n’ont pas divorcé, elles ont tenu bon et sont restées pour diverses raisons : certaines étant malgré tout convaincues que leur rôle est uniquement de servir leur mari et d’élever leurs enfants ; d’autres que l’amour et le bonheur au sein du couple sont des notions abstraites et utopiques n’existant que dans les films. Ensuite, viennent les pensées limitantes : la peur de devoir recommencer de zéro, seules et sans ressources ; la peur de ne pas y arriver ; la peur du que dira t-on. La fausse excuse des enfants qui ont besoin de leurs deux parents. Il y a également de nombreuses femmes qui dans leur détresse subviennent aux besoins de leur famille démunie, dans ce cas, elles ont sur les épaules la pression familiale de leur prise en charge et toutes les responsabilités qui leur incombent. Mais la raison fondamentale et profondément ancrée, est que la majorité des femmes sont restées dans leur foyer à cause de la culture et des traditions. En effet, les mots « divorce » et « séparation » ont été bannis du vocabulaire dans de nombreux pays d’Afrique depuis des générations. Dans un tel contexte, comment un enfant peut-il grandir équilibré lorsqu’il voit sa mère malheureuse ? Quelle sera l’image du père pour cet être en devenir ? Comment cet enfant va-t’il se comporter une fois adulte ?
Aujourd’hui c’est une génération de femmes fortes mais pour qui beaucoup ont fini traumatisées, aigries, amères. Des femmes portant leurs blessures de guerre avec beaucoup de pudeur, de stoïcisme. Comme des peintures de guerre non visibles pour un œil non averti. Ces femmes, nos mères, n’en parlent pas. Elles ne sauraient par où commencer. Elles ne sauraient même pas comment exprimer ce sentiment de mal-être devenu « la norme ».
En effet, dans la culture africaine, le mariage est élevé sur un piédestal, il est sacré. Et il est comme la durée du mandat du Pape : pour la vie, seule la mort peut libérer de cette fonction. Ce qui s’y passe ne se raconte pas. « Le mariage, c’est pas facile ma fille, il faut supporter hein ! C’est comme ça ! » la phrase culte de nos mamans qui revient souvent dans les explications à court d’arguments, presque des non sens. En Afrique, les tabous ont la peau dure, on feint de ne pas connaitre l’existence de ces problèmes. La politique de l’autruche est aussi de mise.
On n’a pas donné la liberté d’expression à nos mères. Parler étant impossible, penser à soi l’est tout autant. Elles seraient incapables de mettre des mots sur leurs maux. « Le système » bien entrenu sait compter sur les familles pour faire culpabiliser au lieu de soutenir ces femmes en détresse. C’est ainsi que de nos jours, ces femmes transmettent à leur tour à leurs filles (à nous) ce que leurs mères leur ont appris. Nous, les filles, le constatons que malgré nous, nous savons être des bae, mais ignorons comment être des épouses, comment rester femme tout en étant une épouse, comment rester soi. Nous apprenons à être des mères sur le tas, en reproduisant les gestes et comportements de nos mères, du pur mimétisme enrichi par de l’internet et de l’expérience personnelle. Mais être une femme et une épouse épanouie relève encore de l’exploit au 21ème siècle. Tant d’arbitrages, de tergiversations, de compromis, de chagrins, de non-dits, de frustrations, de « je prends sur moi, ça passera ».
Jusqu’où aller dans l’acceptation des exigences et des caprices de notre Jules, sans pour autant tomber dans le déni de soi-même ? Jusqu’où aller dans l’acceptation des exigences et des diktats de la société qui ne cesse de nous reprocher de ne pas tout encaisser en silence sans se fourvoyer ? Sans se trahir soi-même ? Comment vivre avec de telles traditions ancestrales tout en surfant sur la vague new age du « girl power » : la femme moderne, la femme androïd.
« À l’époque, nos mamans se débrouillaient très bien toutes seules » ou « à l’époque les femmes étaient différentes », disent parfois les jeunes hommes d’aujourd’hui. Et les hommes dans tout ça, nos pères, où étaient-ils ? Que faisaient-ils quand ils étaient présents à la maison ? Comment se comportent-ils avec leurs épouses et leurs filles, avec nous ?
Aujourd’hui, peut-on dire qu’il revient aux femmes du 21ème siècle de redistribuer les cartes et d’élever une nouvelle génération de futurs hommes modernes, des hommes 4.0 ?
Mayi K’ Mberi
Auteure
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